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Tissu imprimé vivant : la nouvelle tendance ?


Et si l’impression d’organes sur mesure ne relevait plus de la science-fiction ? Depuis la fin des années 80, les scientifiques s’intéressent de près à la bio-impression 3D de tissus vivants. Raphaël Devillard, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, nous dit tout sur les avancées considérables d’une branche méconnue de la médecine.




Fans de Grey’s anatomy, vous connaissez déjà l’impression 3D. Depuis quelques années, la médecine se penche sur l’impression d’implants et prothèses biocompatibles et sur mesure. Cette nouvelle technologie se développe beaucoup en orthopédie et ouvre de nombreuses perspectives au niveau chirurgical. Le patch cardiaque, la trachée et même la vessie ont déjà été expérimentés.

Mais qu’en est-il de l’impression de tissus vivants à partir de cellules humaines ? Peut-on espérer un jour fabriquer des organes transplantables entièrement constitués de cellules humaines ? Eléments de réponse avec le Dr Raphaël Devillard, responsable du groupe de bio-fabrication et bio-impression de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à Bordeaux.





Votre laboratoire est à la pointe de la technologie de bio-impression assistée par laser. Pouvez-vous nous expliquer le principe ?

Raphaël Devillard: La bio-impression correspond à l’impression de structures cellulaires et tissus biologiques à l’aide d’une « bio-encre ». En fonction du tissu à bio-imprimer, cette bio-encre est composée de cellules différentes. On imprime les cellules suspendues dans du milieu de culture couche par couche, pour monter en 3D, sur du collagène, substance naturellement présente dans l’organisme.

Elle a pour but de produire des structures de bio-ingénierie au service de la médecine régénérative, la pharmacologie et la biologie cellulaire.

La bio-impression assistée par laser repose sur l’utilisation d’un faisceau laser dont l’énergie provoque une bulle de vapeur générant à son tour une goutte d’encre contenant les cellules. Cette technique apporte le meilleur rendement en termes de précision et vitesse de dépôt. Pour imprimer 1 cm2 de tissu, il faut compter environ 7 secondes.


Qu’est-t-on capable d’imprimer aujourd’hui ?

On imprime des cellules, des tissus dans le meilleur des cas.

Bien que complexes, les structures planes sont plus faciles à imprimer, comme la peau ou la cornée. A l’université américaine de Wake Forest, les chercheurs essaient d’imprimer de la peau pour les soldats blessés au combat. Pour l’instant, les expériences sont menées sur des porcs. Ils devraient passer aux tests sur l’homme d’ici peu.

A l’INSERM, on travaille à la fois sur la vascularisation et la régénération osseuse. En perçant un trou dans la boîte crânienne d’une souris et en imprimant par-dessus, nous pouvons observer la cicatrisation du tissu osseux.

L’impression d’organes est plus délicate, ce n’est pas d’actualité. Par définition, un organe est un assemblage de tissus avec une fonction physiologique. C’est là que réside le problème. Ce n’est pas parce qu’on imprime des cellules de rein, avec la forme d’un rein, que ça va fonctionner comme un rein… Peu importe la forme, on pourrait très bien imaginer imprimer un organe en 2D, mais il doit être fonctionnel ! Aujourd’hui, nous n’avons pas encore trouvé les solutions.

Beaucoup de laboratoires travaillent sur le rein, le foie et la thyroïde. Les plus grandes avancées sont au niveau hépatique. On fabrique des foies miniatures pour étudier la toxicité médicamenteuse.


Certains chercheurs américains de l’université de Louisville prévoient l’impression d’un cœur fonctionnel d’ici 10 ans. Une utopie, selon vous ?

J’ai du mal à le croire. Ils sont très optimistes. Je miserais plutôt sur une trentaine d’années.

Pour envisager l’impression d’un cœur, il faudrait déjà réussir à imprimer une structure vascularisée qui bat et survit, même sans fonction. De gros défis doivent être relevés, comme la vascularisation, pour alimenter les cellules et évacuer les déchets, et la connexion avec l’organisme, notamment le système immunitaire censé protéger le greffon et non l’attaquer. Il faut trouver des techniques pour créer un système veineux, sanguin, lymphatique, savoir dans quel sens monter les éléments etc… On en est encore aux balbutiements.

Le laboratoire de Vladimir Mironov aurait imprimé une thyroïde fonctionnelle et l’aurait implantée dans la souris. Cela n’a pas encore été publié. Si cela s’avère juste, ce sera un véritable bond en avant. Mais pour l’instant, on n’en est pas à l’organe.


Quelles applications cliniques peut-on espérer ?

Dans l’immédiat, l’impression de tissus humains permettrait de tester des molécules médicamenteuses et prédire leur effet sur l’organisme. On peut espérer de bons modèles pharmacologiques. En reproduisant les tissus d’un patient, on pourrait développer des traitements adaptés.

La société Organovo imprime des tissus comme la peau, pour la recherche médicale. Cela pourrait éliminer les tests cosmétiques sur les animaux.

A terme, il serait question de fabriquer des tissus implantables pour la médecine régénérative. Il s’agirait d’implanter le matériel cellulaire directement dans l’organisme. Celui-ci se reconstruirait beaucoup plus rapidement et plus précisément. On favoriserait ainsi la cicatrisation et la régénération.

De plus en plus de malades sont en attente d’une greffe. On rêverait tous bien sûr de pouvoir un jour implanter des organes bio-imprimés avec les cellules du patient, pour réduire les risques de rejet. Ce serait un formidable espoir pour la médecine.



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